81% des Français se déclarent lecteurs en 2021, soit sept points de moins que l’année précédente, selon le centre national du livre (CNL) et l’entreprise de sondages Ipsos. Les tendances de lecture évoluent avec les pratiques des aficionados de livres. Alors que les fermetures des librairies se multiplient, les initiatives des nouvelles plateformes de lecture numériques s’imposent face au format classique du papier.
L’évolution récente des tendances de lecture est intrinsèquement liée à la crise sanitaire. Les librairies sont restées fermées trois mois sur l’année 2020 et paradoxalement, selon le syndicat de la librairie française, le marché du livre n'aurait chuté « que de 3,3 % par rapport à l'année 2019 ». Le bouquinage relève d’une pratique de loisir, mais le CNL démontre la diminution du temps libre des Français dans son étude le Baromètre Les Français et la lecture Résultats 2021 : « 41% déclarent avoir moins de temps pour eux-mêmes depuis le début de l’épidémie ». Une autre coutume se développe au déficit de celle des ouvrages physiques : les activités en ligne, « 34% des Français surfent plus qu’avant l’épidémie sur Internet ». Selon les données du ministère de la Culture, le fait que les jeunes lisent moins, mais se divertissent beaucoup sur les réseaux sociaux, couplé au vieillissement de la population, tend à faire diminuer l’attrait des Français pour les livres. Si les confinements provoquent un élan de lecture, la fermeture des lieux de culture estimés « non- essentiels » aux yeux de l’État restreint l’approvisionnement en magasin. La vente en ligne et le click and collect évitent ainsi le naufrage des librairies. Des techniques qui relèvent du numérique, grand ennemi du format papier.
Paradoxe entre l’attachement au format papier et l’air du numérique En mai dernier, l’enseigne Gibert Joseph/ Gibert Jeune ferme de nombreux points de vente. Un salarié explique à l’ActuaLitté « Les Gibert auraient connu, comme toutes les autres, un trou d’air, et les difficultés financières engendrées par le Covid justifieraient alors ces mesures ». Pourtant, les librairies de quartier retrouvent toujours leurs clients habituels, comme Florence P. qui se rend aux Journées Suspendues régulièrement : « Je n’aime pas acheter en ligne, je préfère me déplacer chez le libraire, on a toujours un moment pour discuter ». Les lecteurs sont de plus en plus séduits par les établissements spécialisés, à la recherche de conseils pointus. Les boutiques de mangas s’imposent en première place, les bandes dessinées japonaises représente 60 % des livres vendus au cours de l’année 2021. C’est aussi face à de nouveaux modes de consommation que les librairies classiques doivent prévaloir : les liseuses et les livres audio se démocratisent. D’après les chiffres du syndicat national de l’édition, plus d’un Français sur quatre a déjà lu un livre numérique et près d’un sur cinq a déjà écouté un livre audio. Le géant Américain du commerce en ligne, Amazon, représente 10% des ventes de livres en France.
Les conseillers ne sont plus des bibliothécaires, mais des influenceurs Si 81% de Français se déclarent lecteurs en 2021, ils sont moins nombreux à se percevoir en tant que tel. Une baisse particulièrement visible chez les jeunes, avec 26 points de moins qu’en 2020. Selon l’entreprise de sondage Ipsos, les 15-34 ans représentent le public le moins concerné par les livres papiers, alors qu’ils sont les premiers consommateurs de lectures numériques : « 44% contre 28% pour le reste de la population française ». Tous genre et âge confondus, les activités sur les réseaux sociaux augmentent nettement. Certaines personnalités des plateformes en ligne fédèrent ce jeune public à la lecture. Soit en diffusant du contenu pour sensibiliser et motiver les abonnés à devenir des lecteurs, comme la chaîne Le Souffle des Mots ou encore Annelitterarum. Soit en publiant des livres. C’est le cas des youtubeurs Enjoy Phoenix, Natoo, John Rachid, auteurs respectifs d’une autobiographie, d’un magazine et d’une bande dessinée. Malgré leur franc succès, les avis diffèrent sur l’arrivée du monde de YouTube dans la littérature française. En 2021, la vidéaste au pseudo Léna Situations fait 340 000 ventes avec son livre Toujours plus. +=+. Pour Lou Attard, étudiante à la Sorbonne, s’en est trop : « Toutes les littératures se valent, mais me dire qu’un livre de développement personnel écrit par une influence qui ne connaît rien à la littérature ai fait un best-seller m’embête vraiment. Comme si maintenant les best-sellers ne pouvait qu’être des coups de communication, ça me rend triste ».
©Mandy Yahiaoui