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La probité au service d’un empire

Georges Remy, ou Jojo pour les intimes, est un entrepreneur retraité de 86 ans qui jouit de sa fortune. Artisan menuisier-peintre de 1961 à 1987, il fonde deux sociétés et travaille pour des clients prestigieux. Laboratoire Phillips, SNCF, Foncia… des contrats obtenus grâce à sa probité et à son professionnalisme.

Georges Remy se déplace sur les routes de Perpignan au volant de sa mercedes cabriolet rouge ©Mandy Yahiaoui

Yves Rocher, John Paul DeJoria, François Pinault… des entrepreneurs dont les carrières professionnels font rêver. Leur point commun ? Aucun n’a fait d’études. Le nom de Georges Remy peut être ajouté à cette liste. Aujourd’hui propriétaire d’un mas de quelques hectares à la sortie de Perpignan, il a toujours fui le déterminisme de sa condition familiale. Pour lui, le travail est sa seule voie de détresse pour survivre. L’école n’est pas une option : « C’est cohérent avec l’époque, je suis né en 1936. À l’âge de 7 ans, j’ai fait une année de scolarité en primaire, avant d’entrer au préventorium pour des problèmes pulmonaires jusqu’en mai 1945. Et puis avec la Seconde Guerre mondiale, il n’y avait plus d’école du tout ». Son unique diplôme : un CAP artisan menuisier obtenu à 18 ans. « J’étais chef d’équipe dans une entreprise de menuiserie, mais j’ai dû entrer dans l’armée à 21 ans pour le service militaire obligatoire, j’en suis ressorti sergent* après deux ans et demi en Algérie. À mon retour, je n’avais plus ma place dans la société », décrypte-t-il. En réalité, il aurait pu reprendre ce poste, mais l’idée d’évincer quelqu’un le répugne. Un geste digne des professionnels, fortement apprécié par son patron de l’époque. Moment de déclic pour Georges Remy, il est temps de se mettre à son propre compte pour trouver une stabilité.


« J’ai fait des erreurs, mais je les acceptais, les assumais et les rectifiais à mon compte»

« Au début, je n’avais pas de sous. Je faisais du porte-à-porte pour trouver des clients et je déplaçais mes chantiers en taxis » avoue-t-il avec quelques rires. Débrouillard, Georges Remy trouve ensuite un véhicule : « j’avais acheté une 203, un corbillard avec l’arrière aménagé pour les cercueils que j’utilisais pour entreposer mon matériel », décrie-t-il difficilement entre deux gloussements. C’est le bouche à oreille, les bons copains et les coïncidences qui alimentent son carnet d’adresses. Georges Remy séduit surtout par son professionnalisme et son honnêteté : « Un jour, mon voisin sonne à ma porte, il travaille à la Direction Départementale de l’Équipement (DDE). Après s’être fait cambriolé, il me demande de lui rendre service en changeant ses serrures. À ce moment, je rencontre le responsable des travaux de la DDE qui a énormément apprécié que je le dépanne et m’a fait rentrer dans la DDE, puis dans les services fiscaux et dans l’administratif du département », se rappelle-t-il avec fierté. Jojo passe ainsi d’un à douze salariés en seulement quelques années.


« Je voulais donner à mes enfants ce que je n’avais pas eu, une vie agréable »

Un homme humble, qui explique sans honte ses difficultés : « J’ai toujours eu le sens professionnel. J’ai fait des erreurs, mais je les acceptais, assumais et rectifiais à mon compte, même quand je n’étais pas directement responsable ». Une valeur sacrée à ses yeux, qu’il s’efforce de transmettre à ses petits-enfants : « Vous avez la chance d’avoir un grand-père. Moi je n’ai même pas eu de grands-parents, ni de père qui m’a soutenu dans ma vie professionnelle, ni de mère qui m’aimait. Tirez profit de mes expériences », énonce-t-il la voix tremblante et les yeux embrumés. Georges Remy travaille dans l’optique d’offrir ses entreprises à ses deux fils : « J’ai donné la société Remy à mon fils cadet, Stéphane. Et la SPARL à l’aîné, Alain. Ça signifiait Société Peinture Ravalement Alain Stéphane, mais j’avais l’interdiction de mettre des prénoms dans l’intitulé de la société. Alors, c’est devenu Aménagements Spéciaux ». Une opportunité saisie et nourrie par ses enfants, pour son plus grand bonheur. Jojo a atteint son objectif : « Je voulais donner à mes enfants ce que je n’avais pas eu, une vie agréable. Alain a récupéré l’entreprise qui était dans deux boxes de voiture, 30 ans après, il a 2500 mètres couverts et toutes les stations essence Esso de France. Il est très bosseur », complimente-t-il fortement ému.

« Les copains d’abord »

Le relationnel, le professionnalisme et l’humilité sont essentiels dans l’entrepreneuriat. Georges Remy, même une fois à la retraite est attaché à ses sociétés : « Je suis parti de Corbeille parce que je ne voulais pas embêter mes fils. Mais je venais une semaine par mois tant qu’ils avaient besoin de moi. Jusqu’au jour où j’ai pu lever le pied en 1987 ». En 2002, il achète le Mas Palau à la sortie de Perpignan et le retape entièrement, jusqu’à doubler la valeur de son bien. Depuis, il ne se passe pas un jour sans qu’un copain ne passe chez lui pour faire une partie de pétanque, acheter une bouteille de lemoncello ou manger des grillades : « Les copains d’abord. Je suis un bon vivant et j’aime recevoir ». Même à la tête d’un empire, Jojo reste cet homme simple et de parole.


*plus haut grade accessible en étant appelé par l’armée française.

©Mandy Yahiaoui

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